3.2.07

Un vademecum du futur libéré social (important)

Attention, article de fond, récapitulant les acquis et les attentes, et appelant à la prudence autant qu'à la détermination !



Vous ne trouverez pas sur Internet de "marche à suivre" pour devenir un libéré social. Le site Conscience Politique a supprimé son "kit" et renvoie au service juridique national de l'Association de Défense des Travailleurs Indépendants (05 63 66 33 78) ou au site libre assurance-maladie. Alternative Libérale ne propose pas non plus de kit.

1) Rappel du cadre légal

C'est le paragraphe ennuyeux que vous pouvez sauter si vous préférez la pratique à la théorie.

Il s'agit des Directives Européennes 92/49/CEE, 92/50/CEE et 92/96/CEE transposées en France par les lois du 4 Janvier 1994 et du 8 Août 1994 concernant les systèmes d'Assurance et de Prévoyance, mais les Directives européennes relatives aux Mutuelles n'ont été transposées que dans la loi du 17 Juillet 2001 ratifiant l'ordonnance n°2001-350 du 19 Avril 2001.

On sait que la France a une réputation exécrable en matière de transposition des directives européennes. Dans le cas qui nous occupe, les obstacles à l'application des directives abrogeant le monopole de la Sécurité Sociale furent nombreux, la France se souciant peu de respecter sa signature.

En effet la France devait transposer ces Directives dans le Droit Français dès le 1er Janvier 1994. Or la France a été extrêmement rétive à le faire, vraisemblablement pour protéger des intérêts à la fois syndicaux (les syndicats en France sont "gestionnaires" de la sécurité sociale) et commerciaux, les assurances privées françaises voyant d'un mauvais oeil l'arrivée d'une concurrence étrangère nettement plus compétente en matière d'assurance santé, alors qu'elles-mêmes disposent d'une clientèle captive via les caisses d'assurance maladie (voir par exemple ici : RAM Gamex - Les sociétés membres des associations). Passons également sur l'idéologie politique qui veut que la Sécu soit un "acquis social" ou un héritage du gaullisme alors qu'en fait elle a été imposée par le PC en 1945 pour aller dans le même sens que le grand frère soviétique.

En France, le combat juridique a été mené par Claude Reichman (assisté de juristes), ce qui a abouti à la condamnation de la France par la Cour Européenne de Justice, pour "manquement en manquement" pour la non-application de ces directives (voir l'arrêt du 16 Décembre 1999 : Manquement d'État — Non-transposition des directives 92/49/CEE et 92/96/CEE — Assurance directe autre que l'assurance sur la vie et assurance directe sur la vie).

L'historique détaillé peut être trouvé sur le site Libre Assurance maladie : la belle histoire de la fin d'un monopole.

2) La situation actuelle en France

La Sécurité sociale française dément la fin du monopole et entretient volontairement la confusion entre le "régime de sécurité sociale" (la législation) et les organismes habilités (caisses, mutuelles, assurances privées, etc.), prétendant que l'obligation d'assurance s'accompagne d'une obligation d'adhérer à certains organismes (caisses, mutuelles), tous par ailleurs de droit privé en France. Les directives européennes ne s'appliqueraient selon eux qu'aux mutuelles dites "complémentaires".

Les organismes français se présentent comme un "régime légal" de sécurité sociale, alors que pour les opposants que nous sommes la Sécurité sociale française n'a jamais été un "régime légal" au sens européen, étant un régime professionnel : les caisses, l'URSSAF, etc. ne sont pas des organismes de la fonction publique, mais sont de droit privé, alimentés non par l'impôt mais par des cotisations, et ne prenant pas en charge la totalité de la population comme c'est le cas pour les "vrais" régimes légaux (voir régime légal).

Note technique sur le terme "légal" : la technique juridique des directives est très particulière : il s’agit de documents qui définissent des règles (habituellement « minimales ») que les Etats membres doivent mettre en œuvre en adoptant les mesures appropriées dans leur ordre national, avec comme objectif une « harmonisation » plus ou moins poussée des systèmes juridiques. En pratique, la directive pose ses propres définitions et concepts (explicitement ou implicitement), car ceux des Etats membres sont inexploitables en tant que tels : les systèmes juridiques des pays européens sont trop différents et ne peuvent pas servir en tant que tels de source pour la définition de concepts au niveau communautaire. Il s’agit seulement de sources d’inspiration pour la rédaction des directives ou l’élaboration de la jurisprudence. Il faut donc prendre « légal » dans un sens communautaire, avec les précisions apportées par la jurisprudence européenne.

Certaines instances européennes, quand elles sont consultées par les ressortissants français, renvoient systématiquement des réponses négatives aux questions sur la fin du monopole. A ce propos, Claude Reichman a plusieurs fois mis en cause nommément certains fonctionnaires européens français bien placés dans la hiérarchie administrative européenne et censés faire barrage aux questions embarrassantes venant de France (voir par exemple l'homme de l'ombre).

En pratique un certain nombre de personnes, évalué à plusieurs milliers en 2006, principalement des travailleurs indépendants ou professions libérales, ont quitté la Sécurité sociale française (c'est à dire les caisses et mutuelles anciennement monopolistiques). C'était et c'est toujours facile pour certaines catégories qui bénéficient de cette possibilité depuis longtemps : rentiers, travailleurs frontaliers, chefs d'entreprise se rémunérant par des dividendes plutôt que par un salaire, etc. Quelques salariés également ont pu opter pour une assurance privée, avec l'accord de leur employeur (voir le reportage télévision de mai 2006).

L'adhésion à une assurance privée se traduit par un gain de plusieurs milliers d'euros par an (le calcul montre que même un salarié au SMIC serait gagnant), un meilleur service, de meilleurs remboursements, sans avoir à jongler avec une caisse de sécurité sociale, puis une complémentaire, voire une surcomplémentaire, etc., qui pratiquent des cotisations toujours plus élevées et des remboursements toujours plus bas. Prendre une assurance privée aboutit à diminuer très fortement ses cotisations sociales, sauf cas particuliers : étudiant, famille très nombreuse (beaucoup d'ayant-droits qui ne cotisent pas), personne bénéficiaire de la CMU, etc.

La question est de savoir si les Français finiront par échapper au lavage de cerveau étatique qui dure depuis 1945, et qui empêche de concevoir une assurance santé hors de la sacro-sainte "Sécu", en déficit depuis des décennies. A titre de comparaison, plus de 10% des Allemands sont assurés auprès d'assurances privées.

3) Les travailleurs indépendants ou professions libérales

Avantage pour eux : ils ne dépendent pas du bon vouloir d'un employeur, et peuvent donc opter pour une assurance santé européenne et cesser de cotiser en France.
Inconvénient : ils ont les organismes français en direct et doivent essuyer des procès dans lesquels ils sont (presque) toujours perdants, car le droit n'est pas respecté.

Un de leurs buts est d'obtenir un jugement au niveau européen (CJCE ou CEDH), mais il faut auparavant avoir épuisé tous les recours au niveau national. Il y aura peut-être du nouveau en 2007. En attendant, pour ces quelques courageux, c'est le parcours du combattant pour la liberté sociale. Un schéma, qui se trouvait sur le site de SOS santé (je suppose qu'il est encore valable) montre le parcours (cliquez sur l'image) :



Les indépendants, de par leur situation, sont à la pointe du combat, et tout résultat qu'ils pourraient obtenir aurait forcément des répercussions pour les salariés.

4) Les salariés.

Stade 1: la demande

Il s'agit d'une demande amiable que vous adressez à votre employeur. Le modèle que j'ai utilisé est celui-ci : projet de lettre.

Avantage : facile à faire, pas de coût (sauf 1 LR AR).
Inconvénient : souvent insuffisant, l'employeur craignant les URSSAF. Si l'employeur accepte, c'est gagné ! C'est rare mais on connaît des cas (voir Frédéric Dumas, dans le reportage de France 5).

En ce qui me concerne, malgré 5 lettres (dont la dernière est ici), ça n'a pas suffi. Voir mon billet Que faire ?.

Stade 2 :

Variante A : l'affrontement direct. Attaquer son employeur en justice pour discrimination, complicité de tentative d'extorsion de fonds. Si j'en crois Me Eolas dans son billet Au fait, comment on fait un procès ?, ce sont en fait les Prud'hommes qui seraient concernés (mais je ne suis pas sûre). Variante quand même pas recommandée si vous tenez à votre poste dans l'entreprise.

Variante B : obtenir des billes pour passer au stade suivant. Ecrire une lettre à votre employeur en ces termes :

"Suite à ma demande de reversion des cotisations salariales et patronales en vue d'une adhésion à une assurance-maladie européenne, je constate votre refus. Renouvelant ma demande avec insistance, je vous prie d'en saisir l'URSSAF de façon à ce que sa réponse me permette d'effectuer les recours appropriés."

J'en suis pour le moment à ce stade.

Stade 3 : l'affrontement juridique

A partir de ce stade un avocat est nécessaire, et évidemment du temps et de l'argent. Il ne manque pas d'avocats qui sont acquis à la cause de la liberté sociale, sont persuadés de sa validité juridique et soutiennent les indépendants (certains ne s'en cachant pas : Me Jean-François Prévost, professeur de droit à Paris V, Me Renaud Beaufils, ou Me Gontrand Cherrier)

Selon l'imagination de votre avocat, plusieurs procédures sont envisageables. Ce qui suit est un récapitulatif fourni en janvier par un juriste de notre forum :

- action oblique : exercer une action en justice à la place de son débiteur (l’employeur) qui néglige d’agir contre son propre débiteur (l’URSSAF) ;

- action paulienne : rendre les versements de cotisation et le refus de désaffiliation de l’URSSAF inopposable au salarié ;

- attaquer l’employeur et l’URSSAF en justice solidairement ;

- attaquer l’employeur, et lui proposer de faire intervenir à l’instance l’URSSAF ;

- attaquer l’URSSAF en responsabilité et/ou en répétition de l’indû ;

- attaquer l’URSSAF au pénal pour abus de confiance (détournement d’une chose reçue avec charge de la rendre ou d’en faire un usage déterminé), après avoir constitué préalablement l’URSSAF de mauvaise foi, en lui notifiant par LRAR en tant que salarié que l’employeur continue à lui verser des sommes contre sa volonté.

5) Invitation à la prudence

La théorie c'est bien, mais la pratique c'est encore mieux. Ce qui suit résulte de l'expérience de ceux qui sont entrés dans le combat.

Un indépendant très engagé (il a quitté depuis plusieurs années) affirme : "il n'existe aucune jurisprudence favorable et maintenant les TASS (Tribunaux des Affaires de SS) se contentent d'envoyer un méchant copié-collé aux plaignants, même s'ils ont présenté des conclusions de 40 pages torchées par un avocat à 3000 € le procès !".

Donc, n'entrez dans ce combat que si vous avez les moyens intellectuels et financiers de prendre vos responsabilités et d'en assumer les conséquences. Tant qu'une jurisprudence européenne n'est pas obtenue, la partie n'est pas gagnée. Cela arrivera forcément, mais d'ici-là soyez prudents. Bien sûr, Claude Reichman a quitté la sinistre SS en 1994, mais il a dû subir une vingtaine de procès (tous gagnés). Donc réfléchissez avant de vous lancer, à moins d'avoir un goût prononcé pour la chicane et les moyens d'y faire face, seul (ou presque) contre les esclavagistes.

Si vous êtes salarié, écrivez à votre employeur (voir mon "stade 1"). Si vous êtes indépendant, suivez de près le parcours des militants de la liberté que sont Claude Reichman, les docteurs Bruno Gomez, Faraj Chemsi, le candidat Edouard Fillias, Eric Prosé, qui ont tous quitté la SS, et soutenez-les. Voyez ce docteur français installé au Canada, Jacques Chaoulli, qui, à lui tout seul, contre vents et marées, a obtenu l'abolition du monopole de l'assurance maladie au Canada.

Pour les dissidents qui vivaient en URSS il y a 20 ans, il y avait deux options : la discrétion, ou le militantisme au grand jour. Pour certains, le samizdat et les opérations secrètes, pour d'autres (les Soljenitsine, les Sakharov), les coups d'éclat et les actions de défi contre le totalitarisme. Il est plus facile et moins dangereux (mais moins glorieux aussi) d'être un militant de l'ombre qu'un Sakharov exposé à tous les sales coups des mafiosi du gouvernement.

Eh bien en France, dernière URSS qui subsiste, c'est la même chose. Aux manettes du gouvernement, des syndicats, de certaines entreprises, il y a des voleurs, des bandits, des criminels, qui ne se préoccupent du droit que quand il est de leur côté, et qui n'ont d'autre ambition que de conserver leurs privilèges, à vos dépens, bien sûr. Les esclavagistes ont la force pour eux, mais le temps joue pour nous. Si vous voulez lutter pour la liberté, vous avez le choix entre l'action clandestine et le choc violent. Ne prenez cette dernière option qu'en connaissance de cause...

6 commentaires:

Freeman a dit...

On peut encore trouver le kit "Quitter la Sécu" dans le cache google (version 7 du 6 décembre 2006) à cette adresse : http://209.85.129.104/search?q=cache:59g4RQ7pLiUJ:www.conscience-politique.org/telechargement/package.pdf+%22Les+recommandations+%C3%A0+suivre+pour+quitter+la+S%C3%A9curit%C3%A9+Sociale%22&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=fr&client=firefox-a

Autre liens intéressant pour choisir son assurance maladie au premier euro : http://www.conscience-politique.org/cgi-bin/gestionnews/news.cgi?id=EEplFpZyVFPhIEpISy

Laure Allibert a dit...

Oui, on peut encore trouver la version 6 ici :

http://web.archive.org/web/20051225003041/www.conscience-politique.org/telechargement/package.pdf

tonton a dit...

Chère Laure,
Je suis un fidèle lecteur du blog et je suis rentré dans la bagarre avec nos chers esclavagistes depuis deux ans avec les suites habituelles:contraintes,Tass, huissier et cour d'appel.
Ce qui me gêne dans votre dernier post,c'est quand vous écrivez que Claude Reichman a gagné tous ses procès contre les Urssaf, caisses de retraite et autres Cpam.
Vous ajoutez que nous n'avons à ce jour aucune jurisprudence,ça me semble assez contradictoire.
En ce qui me concerne, j'ai perdu tous mes procès, nous ne devons pas avoir été jugés dans le même pays.
D'autre part,Mr Reichman a quitté la SS en 1994 soit bien avant la transposition des directives en droit français.
Comment a t'il bien pu gagner tous ses procès dans ses conditions?
Sur l'excellent site de Gontrand Cherrier,il y a un commentaire d'un professionnel libéral qui avoue avoir perdu la bataille dans les années 90 au bout d'un dizaine d'années de lutte.
Je suis vraiment dans le doute et j'aimerais avoir votre sentiment sur mes interrogations.
Felicitations pour votre contribution à la promotion des idées libérales

Laure Allibert a dit...

En effet, je partage vos interrogations, mais on ne sera pas surpris qu'il y ait dans ce pays une justice "à deux vitesses"...

D'autre part, n'oubliez pas que CR a été administrateur de caisse de SS, et qu'il connaît parfaitement ce monde-là. Avec en plus des amis qui sont d'excellents juristes (Jean-Pierre Pellan, Jean-Marc Prévost, etc.) on peut sans doute tenir en échec les esclavagistes, et, sinon gagner, faire au moins en sorte qu'ils vous laissent tranquilles. Je pense que c'est ce qui s'est passé pour lui.

Patrick a dit...

Laure, je viens de relire ton article et je suis etonné de voir qu'aucune des actions actuellement engagée n'ait abouti a la case CJCE de ton graphique. Sur ce schema, les delais sont de l'ordre de quelques mois. Sachant que de nombreux de procès courrent depuis 2004 et avant, il me semble que bon nombre d'entre eux aurait du deja etre presenté devant la CJCE !

Laure Allibert a dit...

Je crois que beaucoup de gens se découragent et ne veulent pas continuer. Cependant, il y en a au moins deux dans notre forum qui sont au stade de la cassation. Quant à la CJCE ou la CEDH, il faut avoir épuisé tous les recours nationaux auparavant. Attendons déjà de voir ce que les recours en cassation vont donner en 2007.